L’Ordre des avocats
Le 10 décembre 1898, l’Ordre des avocats vaudois a été formellement constitué en association, en application du droit cantonal alors en vigueur. Initialement et ce jusqu’en 1902, tout avocat inscrit au tableau faisait automatiquement partie de l’Ordre comme membre actif.
Depuis l’entrée en vigueur du Code Civil suisse (CC) en 1912, l’Ordre des avocats vaudois est une association, au sens des articles 60 et suivants CC, dont le siège est à Lausanne.
L’Ordre des avocats vaudois est ainsi, depuis sa création, une association privée et non une corporation de droit public comme cela peut exister dans d’autres cantons suisses (Jura notamment) ou d’autres Etats (en France par exemple).
Depuis lors, l’Ordre réunit en association la très grande majorité des avocats inscrits au barreau vaudois.
L’histoire de l’Ordre des avocats vaudois a récemment fait l’objet de l’ouvrage très complet intitulé “Ordre des avocats vaudois : 120 ans entre tradition et justice”, par Christophe Vuilleumier, publié aux éditions Papers etc.
Les avocats vaudois dans l’histoire
Bien que l’Ordre que l’on connaît soit une création fondamentalement récente, les avocats vaudois se sont organisés dans l’histoire en fonction de celle suivie par notre Canton:
Antérieurement à l’occupation bernoise, le Pays de Vaud est marqué par une structure féodale ancienne qui perdure sous les ducs de Savoie. La justice est compliquée et les droits de juridiction étaient disputés et pouvaient faire l’objet de transactions financières. La Ville de Lausanne et les terres de son chapitre dépendaient quant à elles de l’Evêque de Lausanne. En 1370, soit deux ans après la mise par écrit du droit coutumier lausannois (le «Plaict général » qui régira près de 400 ans la cité de Lausanne), un règlement atteste de l’existence de la confrérie des clercs et des avocats de Lausanne, placée alors sous le patronage de Saint-Nicolas.
Sous la période bernoise (1536-1798), sont édictées de nombreuses règles concernant l’exercice de la profession d’avocat ainsi que la procédure devant les diverses instances judiciaires auprès des soixante châtellenies composant les baillages, les consistoires (juridictions ecclésiastiques visant à réformer les mœurs et à favoriser le renouveau de la vie religieuse), ainsi qu’auprès des cours de dernière instance sises à Berne. Le Coutumier de Quisard, œuvre privée consignant les coutumes vaudoises rédigée entre 1555 et 1562, décrit les qualités dont devrait faire preuve l’avocat : intégrité morale, incorruptibilité, recherche de la vérité et défense des intérêts du tiers en ne divulguant pas de faits «scandaleux», pertinence et modestie, respect des pièces produites, brièveté. Le rôle de l’avocat devant les juridictions pénales est important car il rédige le plaidoyer en faveur de l’accusé, qui contrebalance le réquisitoire présenté par le Lieutenant baillival (le procureur). Les autorités judiciaires et certains avocats et procureurs furent néanmoins accusés par le Major Davel dans son Manifeste et ses dernières déclarations, au bord de l’échafaud, d’entretenir les procès à l’infini causant la misère des paysans. Le Major Davel, d’abord interrogé puis torturé et jugé, ne bénéficia quant à lui pas de l’assistance d’un avocat dans son procès conduit auprès du Tribunal en charge des affaires criminelles formé des citoyens et bourgeois habitant la rue de Bourg, qui aboutit à sa condamnation à mort (exécutée à Vidy le 24 avril 1723).
Au cours des cinq années de la République helvétique (1798-1803), les avocats durent adapter leur pratique à la transformation de Confédération issue de la révolution helvétique en un Etat national unitaire, la disparition des pays sujets et baillages, l’apparition d’une balbutiante liberté de la presse, l’abolition des privilèges féodaux, l’instauration du suffrage universel et l’uniformatisation du droit des communes.
A la suite de la constitution du Pays de Vaud en état souverain et canton suisse (14 avril 1803), les nouvelles autorités vaudoises réglementèrent l’exercice de la profession d’avocat dans la loi sur la police du barreau qui date du 23 mai 1825. Cette loi imposait en particulier aux membres du barreau l’obligation de fonctionner en qualité d’avocat d’office, en matière civile, dans les cas de «bénéfice du pauvre», ainsi que l’assistance d’office des accusés en matière criminelle et correctionnelle.
L’Ordre des avocats vaudois défia les autorités fédérales en 1917 sur le plan de la sacro-sainte neutralité, il s’opposa à l’antisémitisme des années 30 et 40 et força les autorités à moins d’arbitraire en 1944 à l’égard des internements administratifs.
La robe d’avocat
En 1913, le Tribunal cantonal instaura un règlement imposant aux avocats et licenciés en droit le port d’un vêtement noir durant les audiences. Les débats au sujet de port de la robe surgirent à l’issue de la guerre, certains avocats déplorant sans doute le port de la redingote et voulant lutter contre le laxisme que représentait alors le seul port d’un pantalon et d’un veston noir, proposèrent le port de la robe. L’Ordre s’y opposa à plusieurs reprises et à la fin de 1956, quelques avocats demandèrent au Tribunal de Lausanne l’autorisation de se présenter en robe noire devant le Tribunal criminel. Cette requête fût rejetée au motif du règlement du Tribunal cantonal.
Ce n’est qu’en 1963, à la suite d’autres cantons, que les avocats vaudois acceptèrent en assemblée générale le port de la robe en audience, moyennant que le contradicteur en fasse autant ; une liste était tenue des avocats qui avaient décidé de s’abstenir du port de la robe. Après de longues tractations, le Tribunal cantonal accepta aussi de modifier son règlement en mars 1964 pour autoriser les avocats et les stagiaires à porter également un vêtement noir ou la robe.
Dès les années septante, la liste des non-portants de robe n’était depuis longtemps plus tenue à jour et en 1978, le Tribunal cantonal s’aligna et exigea que les Juges cantonaux, leurs greffiers, les Présidents des Tribunaux de district et leurs Juges portent également la robe lors des audiences publiques. Le port de la robe s’est étendu aux Juges de paix dès 2008.
Le port de la robe ou d’un vêtement noir est dorénavant de rigueur.
Les nouveaux défis
Depuis l’entrée en force de ces nouvelles dispositions, les nouveaux défis n’ont pas manqué, avec notamment l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (2002) et l’unification des procédures civiles et pénales sur l’ensemble du territoire de la Suisse (2011).
Avec l’entrée en vigueur de ces dispositions, les modalités de l’exercice de la profession d’avocat en Suisse et dans le canton de Vaud en particulier ont connu une évolution particulièrement rapide :
- un Code de déontologie a été élaboré par la Fédération Suisse des Avocats (2005) en remplacement des règles cantonales ; il est désormais applicable à l’ensemble du territoire suisse;
- les procédures civiles et pénales, maintenant unifiées, facilitent l’exercice de la profession d’avocat devant les juridictions de l’ensemble des cantons suisses;
- grâce à internet et en application des principes du nouveau code de procédure civil, il est mis à disposition des justiciables des formulaires qu’ils peuvent télécharger pour déposer eux-mêmes leurs procédures en respectant les formes attendues par les autorités judiciaires.
Bibliographie et pour en savoir plus
Ordre des avocats vaudois : 120 ans entre tradition et justice, Vuillemier, Ed. Papers etc, Colombier 2018
L’ordre des avocats vaudois, 1989-1998, Ramelet, Piguet, Rusconi, Ed. Presses Centrales, Lausanne 1998.
L’avocat moderne, Chaudet, Rodondi, Ed. Helbing & Liechtenhahn, Bâle, Genève, Zürich 1998.
Justice et criminalité in Revue historique vaudoise, Tome 118/2010, Société vaudoise d’histoire et d’archéologie, Ed. Amplitude, Lausanne 2010
Relation de la singulière entreprise du major Davel en 1723, Barnaud, Ed. Emm. Vincent fils, Lausanne 1838
Notice sur le Major Davel, mort le 24 avril 1723, Blanchet, Ed. Corbaz et Robellaz, Lausanne 1850
Du major Davel au général Guisan: illustres soldats vaudois dans le monde, Tornare, Ed. Cabédita, Bière 2010